Se battre contre le mercantilisme moderne, qui méprise les valeurs spirituelles tant que celles-ci ne produisent pas d’argent. Qui confond succès et talent, qui tente d’entraîner l’Art dans la chute de ce monde. Et se battre contre le désepoir latent qui semble être devenu l’état naturel de l’Homme.

La monumentalité et l’héroïsme de Michel-Ange, de Caravage, de Beethoven, ne peuvent soi-disant exister de nos jours, car nous vivons une époque de totale désillusion, de désespoir quant au futur, de destruction du présent et même des traces de la grandeur passée…

Moi, je pense que JUSTEMENT ! Peindre le calvaire moderne, la chute de tout idéal, l’agonie dans les ruines de cette société, cette nouvelle brèche béante, cette nouvelle fragilité humaine…

Ce dont je rêve, ce que je veux, c’est un nouveau rapport à la Peinture.
Des tableaux religieux, non de même nature, mais de même degré !
Sans ironie, sans satire, sans dérision, ces trois fléaux de l’Art dit moderne.

Se battre également contre la maîtrise, obstacle le plus redoutable pour un Peintre, et qui signifie bien souvent la fin de la capacité d’invention et surtout de voyance. De là, tentatives répétées pour s’en défendre.

Se mettre en danger sans cesse, renoncer à ce qui vient trop facilement, trop naturellement, tenter en permanence ce qui semble impossible, quitte à mutiler son talent.
Et trouver une issue au concept d’image.

 

Nous vivons dans une société qui vomit de l’image en continu, une overdose permanente. Tant et si bien que tout est rabaissé à cette notion d’image, avec tout ce que cette notion inclut (effet immédiat, consommation instantanée, etc). La Peinture aussi, encouragée par les Peintres eux-mêmes, qui se sont mis en tête de combattre ce phénomène en s’alignant sur ses manifestations les plus évidentes et souvent les plus triviales (la photo, la pub…).
Mais comment se fait-il que notre regard ne soit pas le même sur une toile de Rembrandt et une œuvre moderne ? Nous ne regardons pas un autoportrait de Rembrandt comme une simple image, car nous savons, nous sentons, qu’il y a autre chose à chercher, à apprendre, à sentir. Ces choses que nous ne cherchons même plus dans les œuvres modernes.

Qu’est-ce ? Où et quand cela s’est-il perdu ? Pourquoi ?
Comment Rembrandt faisait-il pour peindre toute la vie d’un homme dans son regard ? Ah ce n’est certes pas une simple question de technique…

La Peinture est un acte. D’un point de vue empirique, c’est même le plus important de tous, un acte qui précisément a marqué la rupture entre le singe et l’Homme.
La Peinture n’est PAS une fabrication d’images.

Mais comment arriver, comment réussir à montrer l’acte et ce qui le sous-tend sans dépendre, à l’arrivée, de l’image qui en résulte, et ce sans passer par l’abstraction, devenue nulle et non-avenue à notre époque ?

Non pas une représentation, non pas une interprétation, mais une osmose avec le “réel”.
Une poursuite inlassable, une sorte de concentration souveraine, mais nourrie et surtout déséquilibrée par l’instant.

Un langage secret et sacré qui ne comporte ni commencement ni fin, mais une pure “saisie”.
Saisie d’une tonalité instantanée, captation du contenu d’un éclair.

Comment est-ce possible si le tableau est un tout d’une multitude de gestes ? Alors chaque trait, chaque touche, doit être définitive, d’une radicalité et d’une grâce stupéfiantes.

Alors comment ?

Comment aborder une telle recherche alors qu’aucun système métrique n’a de sens et qu’il n’y a pas un seul point de repère à la hauteur de ce calcul ?

Aucun appui concret qui puisse apporter à un Peintre une solution ou une méthode face à ce problème.
Un Peintre.
Non pas donc quelqu’un qui crée des “images”, mais quelqu’un qui voudrait parvenir à la saisie absolue de ce en quoi il VIT.
Et rompre son isolement par la communion de cette saisie.
Et de la part de Vérité qu’elle contient.

Moi, ma vie d’Artiste est une constante recherche sur le mystère même de la création, et de l’épouvantable mystère de la Destinée Humaine