Saint Jean et Caravage…
Dans cette vie folle, de plus en plus abstraite qu’a été celle de Caravage, St Jean semble être l’ami jamais très loin, toujours prêt à écouter…
A chaque étape importante ou dramatique de sa vie, Caravage comme par instinct, a peint un St Jean.
Du premier, frivole et insouciant, au dernier, dramatique et comme déjà “ailleurs”, Jean est le plus intime du Peintre, son confesseur.
Vu “d’en haut”, aujourd’hui, ils représentent un ensemble autonome et fascinant, qui peut servir de vrai “résumé” à la vie physique du Peintre assassin, comme de sa vie intérieure…
Il y a une connexion spéciale entre Caravage et le Baptiste ; Jean fait encore partie du monde “pré-chrétien”, encore un pied dans le monde archaïque, c’est un chrétien “d’avant la religion” et Caravage en joue au travers des symboles de son temps, les pervertissant sans en avoir l’air, et y glissant des messages “subliminaux” (un bélier à la place du mouton, le laurier remplaçant le lierre…).
Ensuite, dans le destin du personnage, de prophète moqué, poursuivi et finalement tué pour ses idées.
Enfin, d’un point de vue purement pictural, placer et composer un personnage unique au sein d’une toile, et user d’une palette réduite et systématiquement la même : bitume, blanc, vermillon.
Mais commençons par le début, vous verrez
1600 !!
Arrivé à Rome début 1593 (il a 21 ans), Michelangelo de Merisi (son vrai nom donc) a connu des débuts “difficiles”…il a passé des mois à vivre dans la rue, au sein de la communauté des mendiants, il a dormi sous les ponts, rendez-vous nocturnes pour corps en dérive et beuveries, il a connu la vraie misère.
Après quelques aventures déjà très “Caravagesques” dont je vous fait grâce, il est remarqué en 1595 par le Cardinal del Monte, prélat riche aux goûts douteux pour l’époque (l’alchimie entre autres) et “grand amateur de petits oignons tendres” (dixit).
Mais surtout véritable érudit.
Et sa vie change ; il est payé pour ses peintures, il porte l’épée, il fréquente poètes, Peintres, musiciens…
Et en 1599, grâce à Del Monte, il reçoit la commande des deux retables consacrés à St Mathieu pour la chapelle Contarelli.
Triomphe !
Caravage impose une nouvelle vision, une nouvelle lumière, une nouvelle manière (ce sont les premiers retables de l’histoire peints sur toile et non sur bois ou à fresque).
Il est célèbre.
Il est riche.
Tout va bien.
Et il est difficile de ne pas le voir dans le St Jean de 1600, qui est une véritable ode à la joie de vivre, un beau gros croissant tout doré, prêt à être mangé, dégusté !
Il se surpasse, Caravage ; techniquement virtuose, peint directement sur la toile sans dessin sous-jacent, composition parfaite, et un vertige tangible encore aujourd’hui dans cette lumière incroyable, cette carnation merveilleuse, une symphonie en trois couleurs…
Et l’air gentiment goguenard du Baptiste…certains ont dû s’étrangler à l’époque
C’est son premier St Jean.
Lumineux, gai, frondeur, insolent, insouciant.
Ca ne va pas durer…
Caravage (1571-1610)
St Jean le Baptiste.
Huile/toile
1600.